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Différents types d'approximation

Dans la mesure où les seules données auxquelles on accède sont sur la frontière extérieure du domaine, les différents types d'approximants que nous allons considérer seront des approximants des valeurs au bord. Afin d'utiliser des méthodes d'approximation connues, il sera nécessaire de nous ramener au cas où le domaine D est le disque unité $\mathbb{D}$.
On pourra alors considérer les meilleurs approximants rationnels ou méromorphes de F sur le cercle unité $\mathbb{T}= \partial \mathbb{D}$ pour les normes L2 et $L^\infty $.
On notera toutefois que ceci n'induit pas nécessairement une perte de généralité. Il est en effet connu [26, ch. 10] que l'application conforme qui envoie $\mathbb{D}$ sur D conserve leurs espaces H2N et $H^\infty _N$ respectifs.


Les types d'approximants que nous allons considérer sont, d'une part le meilleur approximant dans RN au sens de la norme L2, et d'autre part le meilleur approximant dans $H^\infty _N$ au sens de la norme $L^\infty $, obtenu par un résultat d'Adamjan, Arov et Krein (AAK) que nous présentons plus loin.
En fait, dans les deux cas, p=2 et $p=\infty$, il s'agit d'approximer une fonction $f \in L^p$ par une fontion $g_N \in H^p_N$. Mais dans le cas où p=2, on obtient, grâce à l'orthogonalité $H^2 \perp \overline{H^2}$ et grâce à l'inclusion $R_N \subset \overline{H^2}$, que gN = PH2(f)+rN $r_N \in R_N$ est le meilleur approximant de $P_{\overline{H^2}}(f)$. C'est sous cette dernière formulation que nous aborderons l'approximation pour la norme L2.


L'approximation rationnelle L2

On s'intéresse ici au meilleur approximant rationnel pour la norme L2. Le problème se formule de la manière suivante :


Pour une fonction $f\in \overline{H^2}$, trouver un couple de polynômes (p,q) de degrés respectifs n-1 et n, tels que q ait ses zéros dans $\mathbb{D}$ et tels que

\begin{displaymath}\left\Vert f - \frac{p}{q}\right\Vert _2
\end{displaymath} (2.17)

soit minimal sous ces hypothèses.


La méthode que nous utilisons pour déterminer ce meilleur approximant s'appuie sur un algorithme itératif de type quasi-Newton, implémenté dans le logiciel d'approximation rationnelle Hyperion développé au sein du projet MIAOU. Nous présentons ici quelques résultats sur lesquels s'appuie cette méthode.
Cette approche étant numérique, et dans la mesure où l'on ne connaît f que sur un échantillon de valeurs sur $\mathbb{T}$, on ne cherchera à estimer en fait qu'un nombre fini de ses coefficients de Fourier. Il sera donc naturel, de considérer ici f comme un polynôme trigonométrique de degré m.
Définissons alors le polynôme g comme ceci :

\begin{displaymath}g(z)= \frac{1}{z} \overline{f}\left(\frac{1}{z}\right)
\end{displaymath} (2.18)

(avec $\deg B < \deg q)$) et définissons A et B par une division euclidienne, de telle sorte que

\begin{displaymath}g\widetilde{q}=Aq+B.
\end{displaymath} (2.19)

En posant $p=\widetilde{B}$, on trouve que

\begin{displaymath}f-\frac{p}{q} = \frac{\widetilde{A}\widetilde{q}}{qz^{m+1}}.
\end{displaymath} (2.20)


\begin{theoreme}% latex2html id marker 942
Pour un polyn\^ome $q$\space d\'eterm...
...t\Vert^2_2 =
\left\Vert f\right\Vert^2_2 - <f,p/q>.
\end{equation}\end{theoreme}
L'algorithme que nous utilisons cherchera donc à minimiser le critère $\Psi(q)=\Vert A\Vert^2$ par rapport aux coefficients du polynôme q. La démonstration de ce théorème est immédiate car on vérifie sans peine que $f-\widetilde{B}/q$ est orthogonal à zk/q pour $0\le k \le n-1$et donc que $\widetilde{B}/q$ est la projection de f sur l'espace des fonctions de dénominateur q dans $\overline{H^2}$. Pour plus de détails sur les équations aux points critiques et la convergence de l'algorithme, on renvoie le lecteur à [31,13,17].


Avant de mettre en uvre cet algorithme qui est un algorithme de descente conjugué avec une méthode de Newton, il est bien sûr naturel de s'interroger sur l'existence et l'unicité de tels approximants rationnels. Si l'existence d'un meilleur approximant est toujours assurée (on pourra par exemple se référer à [11,12] pour une preuve de cette propriété dans un cas plus général), l'unicité en revanche n'a pas lieu en général. Parmi les résultats obtenus, on citera notamment les travaux menés par L. Baratchart, E. B. Saff et F. Wielonsky [17], puis de L. Baratchart, H. Stahl et F. Wielonsky à paraître [19], d'où il ressort que le critère $\left\Vert f - p/q\right\Vert _2$ n'admet qu'un seul point critique à l'ordre n (donc un minimum) par rapport aux coefficients de q si, pour chaque point critique p/q, il existe des polynômes A et B de degrés respectifs n-2 et n-1 tels que A/B interpole f en 2n-2 points de $\mathbb{C}\setminus \mathbb{D}$et tels que

\begin{displaymath}\left\vert 1 - \frac{f-A/B}{f-p/q} \right\vert > 2 \qquad {\rm sur~}\mathbb{T}.
\end{displaymath} (2.21)

Pour certaines fonctions, lorsqu'on sait démontrer que l'erreur en interpolation décroît suffisamment vite et régulièrement, on peut prendre pour A/B un point critique à l'ordre n-1, ce qui nous fournit un test peu coûteux.

Les auteurs de [19] utilisent ce critère pour prouver l'unicité asymptotique ( i.e pour un ordre assez grand dépendant de f) dans le cas où la fonction f approximée est une fonction de Markov dont la mesure est à support dans (-1,1) et satisfait la condition de Szegö ; rappelons ici qu'une fonction est dite de Markov si elle est la transformée de Cauchy d'une mesure positive à support compact sur l'axe réel, en d'autres termes si elle s'écrit

\begin{displaymath}f(z)=\int\frac{d\mu(t)}{z-t}, \qquad {\rm supp} \mu {\rm~~compact~~}
\subset \mathbb{R}.
\end{displaymath} (2.22)

Dans [17], on prouve un résultat analogue pour la fonction exponentielle qui est le prototype d'une fonction entière dont les coefficients de Taylor sont convexes. Il s'avère dans la pratique que l'unicité intervient assez rarement, beaucoup de fonctions présentant des minima locaux.
Un critère plus global qui ne nécessite pas l'estimation ponctuelle de l'erreur sur $\mathbb{T}$, mais seulement la valeur en des points critiques, est donné dans un article à paraître de L. Baratchart et F. Seyfert [18] mais ne concerne pour l'instant que la réduction d'un ordre n à l'ordre n-1. En tout état de cause, la présence possible de minima locaux oblige l'algorithme d'approximation à effectuer un certain nombre d'intégrations à partir de points initiaux pour pouvoir se convaincre que l'on a trouvé un minimum global, c'est-à-dire un meilleur approximant.

Bien que l'algorithme donné dans l'article de L. Baratchart, M. Cardelli et M. Olivi [13] (généralisé au cas matriciel par P. Fulchieri et M. Olivi [29]) et implémenté dans [31] par J. Grimm, ait une stratégie plutôt efficace pour engendrer des minima locaux à partir de ceux des ordres précédents, ceci pose parfois des problèmes pour le temps de calcul de tels approximants.

Remarquons malgré tout que les résultats de convergence des pôles sur lesquels se fonde la présente approche sont valables pour toute suite de minima locaux et pas seulement les minima absolus.

L'approximation méromorphe $L^\infty $

Nous allons ici rappeler quelques résultats connus relatifs à l'approximation analytique ou méromorphe pour la norme $L^\infty $. Ceux-ci ont été initialement développés pour résoudre le problème de Nehari :


Pour f une fonction $L^\infty $, trouver g dans $H^\infty$qui réalise la condition

 \begin{displaymath}
\left\Vert f-g\right\Vert _\infty = \min_{h\in H^\infty}{\Vert f-h\Vert _\infty}.
\end{displaymath} (2.23)

Un outil essentiel pour résoudre ce problème (et les problèmes connexes comme l'approximation méromorphe) est l'opérateur de Hankel :
Pour f une fonction $L^\infty $, on appelle opérateur de Hankel de symbole f l'opérateur défini par

\begin{displaymath}\begin{array}{rcc}
H_{f}:~H^2 & \rightarrow & \overline{H^2} \\
h & \mapsto & P_{\overline{H^2}}(f h).
\end{array}\end{displaymath} (2.24)

Muni de cet opérateur on peut alors énoncer un premier résultat sur le problème de Nehari.
 \begin{theoreme}% latex2html id marker 989
[Nehari]
Pour toute fonction $f$\spac...
...\textup{(\ref{defdist})}
de $f$\space \\lq a l'espace $H^{\infty}$ .
\end{theoreme}

\begin{remarque}Ce premier th\'eor\\lq eme nous fournit un test peu co\^uteux pour ...
...irerons un parti bien plus important des r\'esultats
qui suivent.
\end{remarque}



 \begin{theoreme}% latex2html id marker 997
[Solution du probl\\lq eme de Nehari]
So...
...tion}
g=f - \frac{H_f v}{v} =\frac{P_{H^2}(fv)}{v}.
\end{equation}\end{theoreme}
En fait, la condition pour que Hf admette un vecteur maximisant est remplie, dès lors que Hf est compact. Par le théorème de Hartman [39, thm. 3.20], on sait que Hf est compacte si et seulement si f est $C(\mathbb{T}) + H^\infty$.
Ces deux résultats ont été significativement généralisés par Adamjan, Arov et Krein [2] qui ont résolu par cette généralisation la question d'exprimer le meilleur approximant dans $H^\infty _N$ pour la norme $L^\infty $ :



  \begin{theoreme}% latex2html id marker 1011
[AAK]
Soit $H_{f}$\space l'op\'erate...
...=f - \frac{H_f v_k}{v_k}=\frac{P_{H^2}(fv_k)}{v_k}.
\end{equation}\end{theoreme}

Dans tout ce qui suit, on supposera que les vecteurs vN sont normalisés de telle sorte que $\Vert v_N\Vert _2=1$. Ce second type d'approximant, de par son expression explicite, s'avère beaucoup plus rapide à calculer que l'approximant L2. Les deux modes sont néanmoins complémentaires dans la mesure où la norme L2 est moins sensible aux ``petites'' perturbations comme le bruit de mesure, et présente de ce fait un caractère plus robuste dans un cadre numérique.


Le choix de ces deux modes d'approximation parmi d'autres à notre disposition comme les approximants de Padé ou simplement la troncature des séries de Fourier, n'est bien sûr pas innocent. Dans le chapitre suivant, nous montrons en quoi ces deux modes d'approximation présentent des caractéristiques communes, et plus particulièrement comment on peut obtenir de ces deux formes une relation ``d'orthogonalité non hermitienne'' dont nous tirerons des informations sur la position relative des pôles et de la fissure $\gamma $.

Mentionnons aussi l'impossibilité numérique d'utiliser les approximants de Padé où la troncature de la série de Fourier, leur comportement étant instable avec les erreurs numériques sur le développement. En fait, on pourrait montrer qu'aucun schéma linéaire n'est robuste dans la situation présente.


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Frederic Mandrea
2001-01-21