La population humaine croissante, l'intensification de ses activités économiques et industrielles exercent une pression environnementale toujours plus grande voire critique sur les ressources renouvelables ainsi que sur les systèmes écologiques. L'évaluation de cette pression, la prédiction de son impact et son contrôle constituent un des enjeux majeurs de ce siècle.
Dans ce cadre, les mathématiques, l'informatique et plus généralement les sciences et technologies de l'information sont amenées à jouer un rôle essentiel en nous permettant de modéliser les phénomènes biologiques et économiques associés. Les modèles ainsi obtenus permettent alors l'évaluation de l'impact de différents scénarios sur la dynamique des biomasses ou sur l'évolution de différents indicateurs de biodiversité.
Les thèmes « coupler modèles et données pour simuler et contrôler les systèmes complexes » ainsi que « modéliser le vivant » figurent parmi les défis prioritaires de l'INRIA. Notre institut se doit donc de rejoindre les tous premiers acteurs rassemblés autour de cet enjeu.
Ce thème de recherche émergeant nécessite la mise en place d'une synergie de recherche amont autour de nouveaux partenariats transdisciplinaires ainsi que trans-institutionnels. L'action MICR se propose de développer des outils d'évaluation et de gestion de ressources renouvelables comme les pêcheries ainsi que les ressources végétales. Cette thématique cruciale sous-tendue par le concept de développement durable vient récemment de s'enrichir de la question des biocarburants.
L'action MICR regroupe les compétences complémentaires de projets INRIA Aspi (Rennes) et Virtual Plants (Montpellier), du Laboratoire d'Écologie Halieutique (Agrocampus de Rennes), de l'UMR Analyse des Systèmes et Biométrie de l'INRA (Montpellier) ainsi que du CERMICS.
La recherche agronomique à Montpellier, récemment reconnue comme l'un des 13 domaines d'excellence scientifique française, vient de donner lieu au lancement du Réseau Thématique de Recherche Avancée (RTRA) « Recherche agronomique et développement durable ». Cette action permettra à notre institut d'encore plus affirmer son soutien à cette dynamique.
Début 2007, Virtual Plants sera une équipe de la nouvelle UMR Agro-M/CIRAD/INRA/IRD/Université Monpellier II « Développement et Amélioration des Plantes » et fera ainsi également partie du RTRA « Recherche agronomique et développement durable ».
Sur le plan applicatif, les domaines de compétence des membres de cette action sont la biométrie, la pêcherie et les modèles de croissance de plantes. Les applications visées sont l'évaluation et la gestion de ressources renouvelables pour les pêcheries ainsi que pour les ressources végétales notamment herbacées. La prise en compte des aléas dus aux phénomènes biologiques ainsi qu'économiques y est primordiale. En pêcherie, il est nécessaire de proposer de nouvelles modélisations de la dynamique des ressources en interaction avec l'exploitation et le fonctionnement des écosystèmes marins, ainsi que de nouvelles fonctions de recrutement plus pertinentes. Le domaine des plantes est par certains aspects moins avancé que l'halieutique. Par exemple les modèles de croissance de plantes et la prise en compte du stress sur cette croissance nécessitent encore un travail en profondeur. Dans ces deux domaines d'application, la modélisation spatiale est dans tous les cas un enjeu d'avenir, et l'inférence statistique sur ce type de modèle pose des problèmes méthodologiques importants (e.g. modèles non linéaire, variabilité des processus et erreurs d'observation). L'équipe Virtual Plants s'est jusqu'à présent investie dans les structures extraites des plantes (temporelle, topologique ou géométrique) mais souhaite étendre ses études aux indicateurs comme la biomasse.
Les domaines de compétence des membres de cette action sont la modélisation probabiliste de Markov (Markov cachés, semi-Markov cachés, Markov cachés pour arborescence, Markov Switching, Markov spatiaux), l'inférence statistique numérique bayésienne ou non, paramétrique ou non (identification, décisionnel), ainsi que le contrôle stochastique.
Modélisation: L'approche markovienne est un puissant outil de modélisation capable de s'adapter à de nombreux cas concrets de systèmes dynamiques. Elle offre de plus une large palette algorithmique. Dans les applications considérées ici, les séries temporelles sont courtes et fortement bruitées. Il est donc nécessaire d'intégrer les connaissances des spécialistes du domaine dans le cadre d'une inférence bayésienne. La modélisation markovienne est particulièrement adaptée à cette situation. Elle permet de prendre en compte les structures cachées sous forme de processus latents et de paramètres inconnus. En plus de sa dimension temporelle, elle autorise une modélisation des phénomènes spatiaux.
Inférence: Grâce au développement de nouvelles méthodes de Monte Carlo, l'inférence bayésienne compte parmi les outils de statistique numérique les plus puissants et les plus utilisés. Ces méthodes incluent notamment les méthodes de Monte Carlo par chaînes de Markov (MCMC) ainsi que le filtrage particulaire. Elles n'ont fait jusqu'à présent que de rares incursions dans le domaine applicatif ici considéré et doivent faire l'objet de certaines adaptations. Les méthodes MCMC se sont récemment étendues aux « populations de monte Carlo ». En quelque sorte, elles intègrent ainsi le concept de particules en interaction auquel le filtrage particulaire fait déjà appel. Ces modèles de particules en interaction constituent l'un des récents enjeux des probabilités numériques. L'action MICR offre l'opportunité de développer ces méthodes en les confrontant à une application stratégique. Malgré la nature bayésienne de ce problème, il sera aussi intéressant de faire appel à des méthodes non bayésiennes comme l'algorithme EM (expectation/maximization). Au-delà du cadre paramétrique il nous semble également pertinent de nous orienter également vers l'analyse bayésienne non paramétrique. La classification non paramétrique des courbes nous permettra notamment de développer des fonctions pertinentes de renouvellement des ressources. La classification paramétrique/non paramétrique est un des enjeux récents des statistiques, elle pourra également être abordée dans le cadre de cette action.
Contrôle: Dans un premier temps la statistique décisionnelle permet d'évaluer l'impact de différents scénarios sur la biomasse considérée. De même l'optimisation permet de déterminer les valeurs de paramètres les plus adaptées à un cas donné. Mais le contrôle stochastique nous semble être le bon outil pour déterminer la nature des lois de commandes optimales. Le contrôle stochastique numérique dans un cadre d'observations partielles constitue une difficulté majeure. Il nous semble pertinent d'aborder ce problème par le biais de l'application ici visée.
Les thèmes de recherches présentés ici et la problématique de développement des pays du sud sont intimement imbriqués. Les membres de cette action sont déjà en relation avec des collaborateurs de certains de ces pays:
Madagascar (collaboration menée par Fabien Campillo): Rivo Rakotozafy, département mathématiques et informatique pour les sciences sociales, Université de Fianarantsoa. Collaboration financée par le projet SARIMA-Madagascar.
Mauritanie et pays de l'Afrique de l'Ouest (collaboration menée par Etienne Rivot): Brahim Ould Mohamed Tfeil, Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et de Pêches, actuellement en séjour à l'Agro-Campus de Rennes. Collaboration est financée par le projet ISTAM.
Chili et Pérou (collaboration menée par Michel de Lara): Pedro Gajardo, Hector Ramirez, Centro de Modelamiento Matemático (CMM), Universidad de Chili, UMI CNRS - Eladio Ocana, Instituto de Matemática y Ciencias Afines (IMCA), Pérou. Action « Mathematics, Informatics and Fisheries Management » MIFIMA 2006-2008, financée par le programme régional STIC-AmSud. L'ARC MICR permettra de développer et rationaliser ces relations.
Cette action permettra de pérenniser une synergie de recherche sur un thème émergeant et transdisciplinaire. Les ressources renouvelables sont une thématique déjà présente à l'INRIA. Nous nous proposons de l'aborder par le biais de la modélisation probabiliste et l'inférence numérique. L'originalité de cette action est de s'appuyer sur les deux pôles applicatifs importants que sont Rennes et Montpellier. Ces pôles regroupent la quasi totalité des acteurs du domaine (agro-campus, INRA, Cirad, Ifremer, IRD, Ifremer, etc.). Notre but est aussi de renforcer ce thème déjà présent à Montpellier au travers des projets Virtual Plants et Mere, ainsi qu'à Sophia-Antipolis au travers du projet Comore. Ces deux derniers proposant déjà des compétences en modélisation environnementale à l'aide de l'analyse déterministe. MICR pourra renforcer la place de l'INRIA à Montpellier et ses liens avec l'INRA et le CIRAD. Au-delà des méthodologies proposées, une réflexion autour d'une boîte à outil en Scilab ou R sera engagée et fera éventuellement l'objet d'un début de réalisation. Enfin cette action vise à la création d'une nouvelle action de recherche INRIA en partenariat avec d'autres instituts comme l'INRA et les écoles d'agronomie sur la modélisation probabiliste et l'inférence numérique pour l'environnement et le développement.