Dans ce cas le système des équations de la cinématique inverse fournit 3 équations non-linéaires qu'il s'agit de résoudre pour trouver la solution de la cinématique directe: on perçoit alors que ce problème sera difficile.
La démarche que nous adoptons consiste tout d'abord à montrer que
la solution du problème n'est pas unique, c'est-à-dire qu'il
existe plusieurs modes d'assemblage
de ce manipulateur, en se basant uniquement sur des
considérations géométriques.
Pour les deux
architectures de robots planaires
on fixe donc les
variables articulaires et l'on obtient le mécanisme décrit dans la
figure 1.29, que l'on va appeler le mécanisme équivalent des
robots planaires.
Pour tenter d'estimer a priori le nombre de modes d'assemblage, nous examinons un sous-mécanisme obtenu à partir du mécanisme équivalent en désolidarisant un des points d'articulation du plateau mobile de son segment.
Le mécanisme obtenu, connu sous le nom de
mécanisme à 4 barres
est décrit en
figure 1.30: il
n'est composé que d'articulations rotodes,
les longueurs de ses segments sont fixées et il
possède un degré de liberté.
Ce mécanisme est constitué de 4 barres articulées 1, 2, 3, 4;
à la barre 3 est rigidement lié un corps que nous appellerons le
coupleur,
dont la géométrie est définie par les longueurs
et l'angle
. Le reste du mécanisme est défini par les longueurs
des barres 1, 2, 4, soit
, et par deux angles : l'angle
entre
les barres 1 et 2 et l'angle
entre les barres 1 et 4. Si l'on fait
varier l'un de ces angles chaque point du coupleur (
par exemple)
décrit une courbe que nous appellerons
courbe de coupleur. Pour ce type de
mécanisme on sait
que cette courbe est
forcément algébrique.
Pour le robot parallèle le point
se trouve aussi sur le cercle décrit par
l'extrémité du segment que nous avons désolidarisé. Les positions
possibles de ce point se trouvent donc à l'intersection des deux courbes,
ce qui implique que leur nombre sera fini, en général.
Nous supposons qu'un moteur entra^ne en rotation le segment 2,
modifiant ainsi l'angle du mécanisme et nous nous intéressons aux
déplacements du point
, de coordonnées (
),
du coupleur. Il est bien
connu que ce point décrit une sextique
(la figure 1.31
illustre quelques exemples de
courbes de coupleur).
Cette sextique a une propriété particulièrement intéressante pour notre étude : elle est tricirculaire, c'est-à-dire qu'elle a trois points doubles sur le cercle imaginaire.
Faisons un rappel de certaines notions sur les intersections des courbes
algébriques, qui nous seront très utiles par la suite.
Une courbe
algébrique de degré coupe une courbe algébrique
de degré
en général en
points. Ce résultat, bien connu,
peut sembler paradoxal si on l'applique
aux cercles : il conduirait à l'existence de 4 points
d'intersection. Ce paradoxe s'explique d'une manière simple que nous
rappelons pour mémoire.
Considérons l'équation d'un cercle, dont les coordonnées du centre
sont
(), de rayon
:
que l'on réécrit, en introduisant un nouveau terme, sous la forme :
Le terme
est simplement un facteur
d'échelle. L'équation précédente est
dite homogène puisque on peut l'écrire sous la forme:
où tous les termes sont maintenant
de degré 2 dans les variables
. Le système
est alors appelé
un système de coordonnées planes homogènes. La ligne définie par
doit couper le cercle en deux points, dont les
coordonnées satisfont l'équation:
c'est-à-dire aux points ,
définis par :
Ces deux points imaginaires sont appelés les points circulaires imaginaires et l'équation (1.8) définit
le cercle imaginaire. Puisque les termes
n'interviennent pas dans les coordonnées
des points circulaires imaginaires tous les cercles du plan les
contiennent. Donc l'intersection de deux cercles quelconques contiendra
toujours les deux points circulaires imaginaires et, par conséquent,
deux cercles ne peuvent se couper en plus de
deux points réels.
Si une courbe du plan contient les points comme point double,
triple.... on
dira alors que cette courbe a une circularité de 2, 3...
Revenant à notre sextique , le terme tricirculaire signifie simplement
que sa circularité est de 3.
En effet (voir [8]) l'équation
de la sextique exprimée en coordonnées homogènes s'écrit pour
:
ce qui, en dehors du cas où le quadrilatère est un triangle,
se ramène à :
La sextique contient donc les points comme points triples.
Remarquons aussi que la circularité de cette courbe est maximale,
puisqu'une sextique ne peut avoir une circularité supérieure à 3.
Si l'on considère le
mécanisme
défini en figure 1.29 et que l'on désaccouple le segment
le reste du mécanisme devient un mécanisme à 4 barres
articulées. Le nombre de points d'intersection de la courbe du coupleur
avec le cercle de centre
et de rayon
donne alors le nombre de
montage possible. Or la courbe décrite par
est une sextique que l'on
coupe par un cercle : le nombre de points d'intersection est donc
de 12 au maximum. Toutefois les points
, vu la
tricircularité de la sextique, vont compter pour 6 points d'intersection.
On peut donc affirmer qu'il existe au plus 6 montages possibles pour ce
type de robot parallèle.
A partir de l'équation de la sextique on peut obtenir une équation polynomiale mono-variable qui permet effectivement de trouver des configurations à six solutions.
La figure 1.32
montre un robot parallèle présentant le nombre maximum de
montages possibles et la figure 1.33 le tracé de la courbe du
coupleur du mécanisme à 4 barres associé, ce qui permet de constater
visuellement la présence de 6 points d'intersection entre la courbe du
coupleur et le cercle décrit par l'extrémité du segment dissocié.