Les nouvelles données numériques de télédétection
à haute ou très haute résolution -THR, c'est à
dire dans ce document à résolution métrique ou sub-métrique
- ouvrent des perspectives nouvelles dans la connaissance des arbres et
des forêts, et doivent permettre de répondre à des
besoins que les satellites d'observation de la Terre à résolution
décamétrique (SPOT panchromatique par exemple) ou pluri-décamétrique
(LANDSAT ou SPOT multispectral par exemple) opérationnels depuis
bientôt 30 ans n'ont pas été capables de satisfaire.
Les besoins d'information comprennent aussi bien des besoins généraux
de gestiondes forêts, que des besoins plus particuliers comme celui
de cartographier les types de peuplements en forêt de montagne. Ces
données pourraient aussi servir à évaluer certains
paramètres de la biodiversité en fournissant des informations
plus précises sur des arbres et leur situation (isolés, en
rangées, en bosquets ou en peuplements) dans les paysages européens,
ou à mieux évaluer le reboisement se produisant dans les
secteurs sujets à l'abandon de terre, anciens pâturages ou
terres agricoles moins productives en zones défavorisées,
ou encore en zones péri-urbaines.
Dans ce contexte, un outil pour aider les forestiers, les gestionnaires du territoire, les écologues du paysage dans l'inventaire des arbres isolés et en alignement, en bosquet ou en forêt serait bienvenu. Si cet outil pouvait aussi servir à estimer d'autres paramètres, tels que densité, taux de couvert, taille et diamètre des arbres, jusqu'à présent renseignés uniquement par des travaux sur le terrain, cela s'avérerait fortement utile du point de vue économique.
Jusque récemment, la grande majorité des images de
télédétection qui ont été traitées
numériquement étaient des images satellites à résolution
pluri-décamétriques ou parfois pluri-métriques. Ces
images ont des résolutions de 30m (Landsat ETM), de 20m (SPOT XS),
de 15m (Landsat Pan), de 10m (SPOT Pan) ou de 5.8m (IRS-1D), mais ces dernières
avec un codage sur 6 bits seulement, au lieu de 8 pour les autres satellites.
Elles ont été préférentiellement classifiées
pixel -à -pixel, et les pixels classifiés pouvaient plus
tard être regroupés, généralement sur des critères
d'homogénéité. Les objets alors identifiés
(champs, forêts, surfaces en eau...) ont donc eu des dimensions de
plusieurs dizaines à plusieurs centaines de mètres. Les arbres
isolés et les arbres dans les haies, ou bosquets n'ont pas pu être
correctement étudiés. Pour les forêts fermées,
la description de leur structure (densité, espacement) n'était
pas accessible.
Mais le contexte technologique de l'imagerie à haute résolution
évolue rapidement selon deux lignes convergentes, d'un côté
stockage de données et traitement, et de l'autre disponibilité
de données. Ces capacités de stockage et de traitement permettent
maintenant d'envisager l'acquisition et le traitement des données
THR. En fait, 3 sources différentes pourront produire de telles
données. La première viendrait du scannage de photographies
aériennes analogiques. Ces données représentent
la mémoire des paysages et seraient très utiles pour l'étude
des évolutions diachroniques. Une deuxième source viendrait
de caméras numériques, équipées
de matrices CCD de 3,000x2,000-pixel ou 4,000x4,000-pixel, expérimentales
ou même déjà opérationnelles en Europe (à
l'IGN par exemple). Comparées aux photographies aériennes
analogiques, ces caméras (au sens de chambres photographiques) offrent
les avantages d'une solution entièrement numérique, de plus
avec une qualité radiométrique améliorée, car
les images sont codées sur 11 ou 12 bits. Une troisième source
d'images numériques de résolution d'un mètre a juste
atteint le marché: celles acquises par les satellites à
haute résolution.
Le premier lancement réussi s'est produit
en septembre 1999, mettant en orbite le satellite IKONOS 2. Un second,
QuickBird, a été lancé avec succès en octobre
2001, avec une résolution améliorée de 61 centimètres.
De nouveaux satellites ont été lancés en 2002,
comme SPOT5 (2,5m en Pan supermode). Ces satellites offrent une qualité
radiométrique améliorée, avec un codage sur 11- ou
12 -bits. Cependant leur qualité devrait être inférieure
à celle des caméras numériques aériennes du
fait que le signal doit traverser une plus grande épaisseur d'atmosphère.
L'objectif doit être atteint avec différentes espèces d'arbre (bouleaux, chênes, pins, sapins, épicéas...), avec différentes formes de couronne; et avec des conditions variables d'illumination, selon la pente et l'exposition.
Les objectifs particuliers du projet sont:
à gauche,morceau de forêt (avec houppiers joints) et à droite, morceau de peupleraie
Même si aucune méthode n'est totalement satisfaisante
à ce jour en ce qui concerne la détection de houppiers, un
certain nombre de travaux fournissent un cadre préliminaire. Un
premier type de méthodes consiste à détecter les maxima
locaux spectraux. Un algorithme de suivi de vallées permet alors
de délimiter les zones d'influence de ces maxima. Chaque zone est
alors assimilée à un houppier. Ce genre de technique est
adapté aux milieux denses et repose sur une hypothèse d'unicité
d'un maximum local par houppier. On peut distinguer ensuite les approches
fondées sur une analyse de la texture (un paramètre discriminant
est proposé pour caractériser les houppiers). Dans les milieux
denses, ces approches ont tendance à fusionner les houppiers proches
les uns des autres. En outre, la précision géométrique
de la délimitation des houppiers reste faible. Pour finir, des approches
considèrent à la fois un modèle radiométrique
et un modèle géométrique (en anglais " template ")
des houppiers et font l'extraction par un algorithme de type mise en correspondance.
Ce type d'approche semble plus robuste car elle utilise deux types d'information
complémentaires. En revanche, aucune information sur la répartition
spatiale et les interactions entre houppiers n'est prise en compte. Nous
proposons de nous inscrire dans ce type d'approches tout en intégrant
les informations manquantes. Ceci peut être réalisé
par une modélisation par processus ponctuels marqués.
Les processus ponctuels marqués permettent de tirer profit
à la fois des méthodes stochastiques et des approches géométriques.
En effet, les modèles aléatoires, notamment les champs de
Markov, ont fait leurs preuves en analyse d'image par leur capacités
à prendre en compte le bruit et des informations a priori sur la
structure de l'image ou des objets recherchés. Néanmoins,
le type d'information a priori traitée reste limité dans
ces approches le plus souvent pixéliques. Si des critères
d'homogénéité sont facilement modélisables,
il est plus difficile d'injecter des informations sur la géométrie
de la solution. En outre, le terme d'attache aux données, calculé
au niveau du pixel, résiste mal à un bruit corrélé
ou de type géométrique. Une première solution consiste
à définir des modèles sur graphe. Cela implique néanmoins
de définir le graphe dans une première étape, donc
d'avoir de fortes connaissances sur le nombre d'objets, leur répartition
dans la scène et leur relations. Les processus ponctuels objet offrent
un contexte beaucoup plus flexible à cet égard. Les réalisations
d'un tel processus sont constituées d'un ensemble de points dont
la répartition est induite par une densité relativement à
la mesure de Poisson. Cette densité permet de modéliser le
nombre moyen de points ainsi que des relations entre ces points (proximité,
alignement,...). A chacun de ces points sont associées des marques,
réalisations de variables aléatoires, définissant
la géométrie d'un objet sous-jacent (rayon, longueur, épaisseur,...).
Ce type de modèle, d'une utilisation récente en analyse d'image,
est étudié au sein du projet Ariana depuis quelques années.
Des premiers résultats intéressants ont été
obtenus tant pour l'extraction d'items cartographiques (routes, bâtiments)
que pour la segmentation d'images.
2.3 Programme de recherche
Le problème traité dans cette COLORS est bien adapté à une modélisation par processus ponctuel marqué. En effet, la notion d'objet est prépondérante puisque un des buts du projet est de compter les arbres. D'autre part, les paramètres des objets permettront de caractériser, voire de reconnaître, les différents arbres. Nous définirons donc un objet géométrique pour modéliser le houppier des arbres. Dans un premier temps, nous considérerons une prise de vue et un dénivelé conduisant à des processus de disques. Nous étudierons ensuite différentes déformations de cet objet de référence en fonction des paramètres de prise de vue et de la configuration du terrain. Différentes informations a priori sur la répartition spatiale des arbres, fournies par le Cemagref, nous permettrons de définir les interactions entre les objets. En ce qui concerne le terme d'attache aux données, nous étudierons plusieurs paramètres de texture.
Une fois le modèle défini, son utilisation nécessitera la mise au point d'un algorithme d'optimisation. La difficulté associée aux processus ponctuels marqués réside dans le caractère aléatoire du nombre de variables puisque le nombre d'objets n'est pas connu a priori. Ceci signifie que deux configurations ayant un nombre d'objets différent ont une dimension différente. Par ailleurs, le modèle n'est défini qu'à une constante multiplicative près car la fonction de partition (ou constante de normalisation) n'est pas calculable analytiquement. Dès lors, les méthodes de simulation directe ne sont pas adaptées. Pour résoudre ce problème, nous pouvons utiliser des processus de naissance et mort, des processus de saut et diffusion ou alors des approches MCMC (simulation de Monte Carlo par Chaînes de Markov) à sauts réversibles. Ce dernier type de méthodes est plus flexible et bien adapté aux modèles issus de l'analyse d'image. Une fois le modèle développé, nous nous attacherons donc à définir un algorithme MCMC à sauts réversibles pour l'optimiser. Cet algorithme est itératif. A chaque itération, une perturbation aléatoire de la configuration courante est proposée. La nouvelle configuration obtenue est acceptée avec une probabilité qui dépend du modèle, évalué pour la configuration courante et pour la nouvelle configuration, ainsi que de la loi de proposition. Les différentes perturbations proposées consistent typiquement en l'ajout ou la suppression (naissance ou mort) d'un objet dans la configuration courante ou encore en la modification de la marque ou de la position d'un objet de la configuration courante. Les différentes perturbations proposées ainsi que la manière de les combiner ont une influence primordiale sur les propriétés de convergence. En effet, si la convergence est assurée théoriquement, la vitesse de convergence reste un problème ouvert. Un effort important sera donc consacré à la définition d'un algorithme d'optimisation adapté au problème et au modèle considéré.
Nous définirons un estimateur et un algorithme convergeant vers
cet estimateur pour extraire les houppiers à partir d'une scène.
Nous aurons alors directement accès au nombre d'arbres (nombre d'objets).
Les statistiques de la configuration obtenue permettront également
de récupérer des informations précieuses sur le couvert
forestier comme la densité du boisement, la répartition spatiale
des arbres ou encore la distribution de leur taille. En outre, nous aborderons
dans un second temps la classification des houppiers détectés
en fonction de l'espèce.
Couteron P., Deshayes M & Roches C., 2001. A flexible approach
for woody cover assessment from SPOT HRV XS data in semi-arid West Africa.
Application in northern Burkina Faso, Int. Journal of Remote Sensing, 22-6,
1029-1051.
Descombes X. , Zerubia J. (2002). Marked Point Processes in Image Analysis. IEEE Signal Processing Magazine, vol. 19, no. 5, pp.77-84.
Descombes, X., R. Stoica, L. Garcin, J. Zerubia (2001). A RJMCMC Algorithm for Object Processes in Image Processing. Monte Carlo Methods and Applications, Vol. 7, No. 1-2, pp. 149-156.
Descombes, X., S. Drot, M. Imberty, H. Le Men, J. Zerubia (2001). Segmentation d'image haute résolution par processus Markov objet. Séminaire Télédétection à très haute résolution spatiale et analyse d'image. Montpellier, 14 décembre 1999, pp. 63-72, Cemagref Edition.
Deshayes M., 1997. Typologies et cartographies des milieux forestiers
européens : possibilités et limites de la télédétection
satellitale. In Actes des rencontres internationales La Cartographie pour
la Gestion des Milieux Naturels, Saint-Étienne, 13-15 novembre 1995,
Cemagref-ATEN-CRENAM, 177-189.
Josiane Zerubia (DR1 INRIA - responsable du projet Ariana)
Xavier Descombes (CR1 INRIA- responsable de cette COLORS)
Participants :
Michel Deshayes (ICGREF, Ingénieur en Chef du Génie Rural,
des Eaux et des Forêts, enseignant-chercheur, animateur du Thème
de Recherche Géosystèmes)
Pierre Couteron (ITEF, Ingénieur des Travaux des Eaux et des Forêts,
enseignant-chercheur).
IFN (Lattes, Montpellier) : L'IFN apportera sa connaissance du milieu forestier. Son rôle sera prédominant pour la phase d'évaluation.
Participants :
Jean-Guy Boureau (Ingénieur chargé des études et recherche
en télédétection).
Nicolas Stach (Ingénieur chargé des études et recherche
en télédétection).
1 stagiaire sur 6 mois : 10000 euros
1 Conférence internationale : 2300 euros
4 missions Nice-Montpellier (2 x 2 personnes) : 900 euros
1 mission Montpellier-Nice : 400 euros
1 Séjour de 15 jours à Montpellier pour le stagiaire : 1400 euros
Soit au total : 15000 euros sur 12 mois