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Détail d'une jurisprudence administrative
Conseil d'État

N° 312542   
Inédit au recueil Lebon
4ème sous-section jugeant seule
M. Silicani, président
M. Jean Musitelli, rapporteur
M. Keller Rémi, commissaire du gouvernement


lecture du Monday 9 March 2009
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le recours, enregistré le 25 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la délibération du 23 janvier 2008 par laquelle le jury du second concours national d'agrégation de l'enseignement supérieur ne l'a pas déclaré admis à l'issue des épreuves de ce concours ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 février 2009, présentée par M. A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule et l'article 3 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1989, modifiée notamment par la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 ;

Vu le décret n° 2002-766 du 3 mai 2002 ;

Vu l'arrêté du 3 avril 1998 du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;



Considérant que M. A, maître de conférences à l'université Paris X et candidat non admis au second concours national d'agrégation de l'enseignement supérieur en droit public et en sciences de gestion, ouvert au titre de l'année 2007, demande l'annulation de la délibération du jury de ce concours, en date du 23 janvier 2008, ayant arrêté la liste des candidats admis ;

Considérant que les deux épreuves du concours sont, ainsi qu'il résulte des articles 6 et 7 de l'arrêté du 3 avril 1998 portant réglementation de ce concours, définies dans les mêmes termes pour l'ensemble des candidats ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la définition des épreuves méconnaîtrait le principe d'égal accès aux emplois publics ;

Considérant que l'arrêté du 19 juin 2007 portant nomination des membres du jury a été publié le 7 juillet 2007, soit antérieurement au commencement des épreuves, qui ont débuté le 15 octobre 2007 ; que, dès lors, la procédure du concours n'est pas entachée d'irrégularité ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Tous les citoyens... sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents. ; que si, aux termes des dispositions du cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution, dans leur rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 : La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ces dispositions ne s'appliquent qu'à des mandats et des fonctions politiques ; que le principe d'égalité d'accès aux emplois publics énoncé à l'article 6 de la Déclaration de 1789 exclut que, pour les candidatures à des dignités, places et emplois publics autres que ceux ayant un caractère politique, une distinction puisse être faite entre les candidats en raison de leur sexe ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article 20 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, introduites par l'article 25 de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes selon lesquelles les jurys dont les membres sont désignés par l'administration sont composés de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et, notamment la proportion des membres des jurys appartenant à chacun des sexes, doivent être interprétées comme ne fixant qu'un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, qui ne saurait faire prévaloir, lors de la composition des jurys, la considération du sexe sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications ; que l'article 1er du décret du 3 mai 2002 relatif aux modalités de désignation des membres des jurys de recrutement des fonctionnaires de l'Etat dispose que : Pour la désignation des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement des fonctionnaires de l'Etat régis par des statuts particuliers pris par décret en Conseil d'Etat (...) l'administration chargée de l'organisation du concours doit respecter une proportion minimale d'un tiers de personnes de chaque sexe justifiant des compétences nécessaires ; que ce décret se borne à imposer à l'administration de prendre en compte l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes énoncé par la loi du 9 mai 2001 ; que ses dispositions n'ont, en revanche, pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de fixer, pour la composition des jurys, une proportion de personnes de chaque sexe qui s'imposerait à peine d'irrégularité des concours ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'objectif de représentation équilibrée n'ait pas en l'espèce été pris en considération ;

Considérant, d'autre part, que la disproportion invoquée entre les hommes et les femmes au sein du jury du concours, ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme affectant la jouissance d'un droit ou d'une liberté garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, le requérant ne saurait utilement invoquer, à l'appui du moyen, la méconnaissance de l'article 14 de cette convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du jury doit être écarté ;

Considérant que, ni la circonstance que Mme B, membre du jury, a signé, conjointement avec douze autres enseignants de l'université, le 5 juillet 1999, soit plus de huit ans avant l'intervention de la décision attaquée, une lettre faisant état de l'attitude de dénigrement systématique adoptée par M. A, ni la participation de Mme B aux décisions du conseil de l'unité de formation et de recherche ayant arrêté, pour les années universitaires 2004-2005 et 2007-2008, la répartition des enseignements de M. A, ne sauraient établir, à elles seules, un manque d'impartialité de ce membre du jury à l'encontre de M. A ; que n'établit pas davantage un tel manque d'impartialité la circonstance, invoquée par le requérant, que Mme B ne lui aurait posé aucune question lors du déroulement des épreuves ; qu'ainsi, le moyen tiré de la partialité de Mme B ne peut qu'être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le requérant n'aurait pas obtenu la restitution de l'ensemble de ses travaux à l'issue des épreuves du concours est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.