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Subject: WE sur la cote Est...
Date: Fri, 22 Dec 1995 12:40:27 +0100
From: Eric Madelaine
Week end Américain
Samedi et Dimanche 16/17 dec 1995
Eric Madelaine, John "Rocco" Stembel
A l'occasion d'un voyage sur la cote Est (des USA, voyons, pas de
la corse!), je suis retourné passé un petit Week-end chez Rocco, à
Atlanta. Enfin, pas vraiment chez lui, quand on se pointe chez
Rocco, en général, c'est pour charger 200kg de matos spéléo dans
son "truck", et prendre de suite l'"interstate" en direction de
TAG, pour un week-end de camping.
TAG... "Tennessee, Alabama, Georgia". Cette région, constituant
l'extrème sud calcaire des Appalaches, est réputée pour avoir la
plus grande concentration de grotte du continent
Nord-Américain. Quelque chose comme 8000 ou 10000 grottes
répertoriées, sur une zone grande comme 1 ou 2 départements
français...
----- Fantastic, ou Incredible ? -----------
Rocco m'avait proposé une visite dans l'une des plus belle grottes
du coin, Ellisons cave (Georgia). D'après la base de données de la
NSS: -1063", dev 12,127 miles (ma base à moi, qui parle métrique,
dit -324m, 19516m). Septième grotte des USA pour la profondeur, et
première de TAG.
Plus sympathique encore: Ellisons inclus la descente de Fantastic
pit, un puits de plus de 600 pieds de haut, entièrement plein
gaz...
Je sautais sur l'occasion pour essayer les techniques américaines
de "rope walking", réputées tellement moins fatiguantes dans les
grands puits.
C'est donc équipé d'un bon vieux "rack" d'un kilo, et d'un
sac de ceinture plein d'équipement de remontée que je me
retrouvais samedi matin à l'entrée de Ellisons cave, après une
bonne nuit dans le camion de Rocco, près de "Blue Hole", la
résurgence -non jonctionnée- de Ellisons, un solide petit dèj, et
une petite heure de montée en forêt. Montée quelque peu chargée:
Rocco avait le sac "expédition" contenant les 200m de corde de
12mm destinés à Fantastic pit, moi 2 bouts de nouille et les matos
perso.
Rocco s'équipe léger: sous-vêtements type "...", un short pour la
protection, et un truc genre Kway pour les 2 ou 3 parties arrosées
du début... Il parait qu'il fait chaud en bas.
Entrée humide, il pleut pas mal dans la chatière d'entrée. Le gros
sac de la corde y passe à peine... 300m de galerie/rivière comme
on en rêve partout, une vraie balade. Puis le premier puits, le
"warm-up pit", 40m, à l'américaine: pourquoi s'embêter à faire des
fractios, alors qu'on peut laisser la corde épouser la forme du
rocher... encore une trentaine de mêtres de galerie/diaclase, avec
un shunt permettant de hisser au bout d'une petite corde les 25kgs
du gros sac, plutot que de se le coltiner dans les petites
escalades. Et nous voilà au sommet de fantastic, à l'"Atic" (la
mansarde) comme ils disent: un trou de 4m de diamètre, un plafond
tout plat, 2 grosses plaquettes et un bout de nouille qui
pendouille d'un bel ammarrage naturel dans la plafond.
La descente est longue, longue, longue.... très sombre (le puit
fait bien ses 12/15m de diamètre, et en ces pays humides, on
n'utilise pas l'acéto), puis assez humide; une cascade dégringole
de la cote -20, et arose indirectement, mais assez copieusement,
les 60 derniers mètres de la descente. Au début je bataille pour
faire controler mon rack; une barette de moins , ça ne glisse pas
tout seul, j'aurai peut-être dù en enlever une deuxième, mais
j'avais peur que ça ne glisse trop. La corde est lourde. Aux 2
tiers ça commence à glisser beaucoup plus vite, je remets ma
sixième barette...
Fond du puit, on se met un peu à l'abri, et on pose tout le matos:
à partir d'ici, plus de corde; on est au "base level", et on va se
balader plus ou moins horizontalement dans des niveaux superposés,
parfois assez labyrintiques, qui suivent les rivières...
Je ne détaillerai pas les 4 heures de ballade qui suivent, le long
des 2kms qui nous séparent de la base de "Incredible pit". Très
variés: grandes galeries effondrées; ramping dans les ruisseaux;
superbes canyons sinueux et confortables; gypse en murs entiers ou
en fleurs; blocs entiers de cristaux de quartz de plusieurs
centimètres de diamètre; stalactites torturés, complètement
transparents, d'un minéral au gout salé... Enfin Incredible: nous
y arrivons dans une grande fenêtre, 30m au-dessus de la base du
puit. La cascade qui y gronde est bien plus grosse que celle de
Fantastic. En été, me dit Rocco, ils organisent souvent des
visites croisées: Incredible fait quelques 150m de haut; au-dessus
une série de puits plus petits rejoint la suface. Pas question
cependant d'affronter cette cascade à la saison des pluies.
Deux bonnes heures plus tard (on s'est un peu perdu sur le chemin
du retour) nous revoilà au pied de Fantastic. Rocco m'a aidé à
revêtir ce matériel nouveau pour moi: un bloqueur au pied droit;
un au niveau du genou gauche relié par une pédale au pied, et par
un fort élastique à mon baudrier de poitrine; la plaque de
poitrine, munie d'une poulie dans laquelle passe la corde de
montée, m'assurant une position parfaitement verticale même sans
l'aide des mains; un bloqueur de sécurité enfin au-dessus de la
poulie, longé à ma ceinture.
Et la surprise de la journée, pour moi qui m'attendais à attendre
une petite heure dans les embruns à la base du puits: pourquoi
attendre, quand on peut monter à deux sur la corde???
Le "rope walking" est étonnant: petits pas très courts et rapides,
de l'ordre de 12 à 15cm, pas besoin des mains (quoique j'ai
préféré les poser sur mon bloqueur haut, juste pour aider
légèrement l'effort des jambes). 40mns plus tard j'avais fait mes
200m, moi qui n'aime pas les grands puits!
C'est exactement ce que j'avais lu avant: très efficace pour les
grands puits plein gaz, mais matos encombrant (et pas donné, la
plaque de poitrine vaut 100$). Et à éviter si la corde est en
appui sur le rocher, s'il y a des fractios, ou si l'on tire un kit
lourd (le poids est directement sur le spéléo, pas sur la corde).
Ensuite, il ne restait plus qu'à déséquiper le grand puits, à
fourrer les 25kgs de corde dans son sac, et à se diriger vers la
sortie.
----------- Dimanche plein d'imprévus -------------
On avait prévu une grasse matinée, et une petite visite courte,
pour être de retour à Atlanta dans le courant de l'après-midi.
Les "classiques" de TAG posent souvent des problèmes d'accés:
vendredi, Rocco avait essayé en vain de joindre le proprio d'une
première grotte, puis s'était arrangé avec un autre pour récupérer
la clef d'une deuxième.
Après notre grasse mat., et une demi-heure de route, pas de clef
dans la cache prévue, et aucun signe du groupe supposé l'avoir
utilisée... On se dirige donc vers une troisième grotte, que Rocco
n'a jamais fait. Et c'est en cherchant le chemin que l'on
rencontre quelques copains de Rocco:
"On a ouvert une nouvelle entrée hier, on y retourne avec des
cordes aujourd'hui; la grotte promet d'être très arrosée... Ça
vous dit?"
Bien sur que ça nous dit... qui sommes nous pour refuser une
première? Le reste du groupe est constitué de trois "Andy" (Andy
Porter, André Dubois, Andrew Zellner) et de Marek Wierzbowski, un
polonais venu d'Indiana. La marche d'approche prendra une bonne
heure, et c'est vers 14h que nous nous glisserons dans une
chatière terreuse, derrière Andy qui plante déjà les premiers
spits. Il pleut dehors, et aussi dans le premier puit (~8m). Mon
indéchirable ne me protège déjà plus guère. Petit bout de canyon,
et très vite il faut se coucher dans un laminoir où l'on peut
encore éviter de ramper complètement dans le ruisseau. P3, le
laminoir continue, puis P12, cette fois carrément avec la
cascade. D'habitude, en canyoning, je mets une néoprène...!
Nouveau passage horizontal, rapidement bas de plafond, 30 ou 40m,
et encore un puit! Andy n'a plus de plaquette, Rocco trouve un
superbe nat, au fond d'une marmite dans le ruisseau, 5m en retrait
de la lèvre du puit. On réuni les cordes restantes, et dégringole
le puits, quelques 15m, toujours en pleine cascade. Vous imaginez
la remontée?
Plus de corde, mais au pied du P15 on fera prés de 100m à l'aval,
carrément dans l'eau cette fois-ci, et autant dans un amont.
Il se fait tard, nous abandonnerons les Andy qui creusent dans
le laminoir terminal à l'aval, et nous dirigeons vers la sortie,
pour malencontreusement descendre du mauvais coté de la montagne:
il nous faudra bien 2 heures pour rejoindre les voitures, et ce
n'est que vers minuit que nous serons à Atlanta...
Dernière nouvelle, que Rocco me communique par mail: l'affluent
amont au bas du P15 est en fait le bas d'Anderson Cove Cave.
Avec la nouvelle entrée, l'ensemble fait maintenant dans les 200
pieds de profondeur, et 3200 pieds de long...
Eric.