Plongée à la grotte de Pâques, St Cézaire, 06
Samedi 22 et Dimanche 23 Janvier 2000
 

Participants: Gilbert Fernandes, François Gaspard, Bernard Giai-Checa,
                         Eric Madelaine et Xavier Pennec

Plongeur: Bernard Giai-Checa

TPST: 10h + 4h


    Vendredi soir: je viens de terminer le métrage des 200m de fil d'ariane que j'enroule consciencieusement sur mon dévidoir. Le conditionnement dans les kits me prend plus d'une heure, j'essaye en effet de réduire au maximum poids et volume... vous allez comprendre le pourquoi dans la suite du récit. J'ai  'légèrement' surgonflé mes 2 bouteilles de 6L, qui avec 3 kits complets représentent mon matériel de plongée.

    L'objectif de l'opération est la reconnaissance sur 200/300m du grand siphon de la grotte de Pâques, qui se trouve à  plus de 2 kilomètres de l'entrée. Celui-ci, long de 810m a été franchi en 1990 par J.C. Tardy.  Cette même année F. Poggia et P. Magniez découvrent plus d'un kilomètre de galerie derrière ce siphon.  Depuis ces années à ma connaissance personne n'y a replongé. Hors, la topo indique plusieurs galeries à explorer en post siphon, un lac à aller plonger, des escalades à entreprendre (dixit ChéChé). Il y a du boulot et n'oublions pas que l'eau de ce siphon, de la foux et de la grotte de Pâques en général  (que certains apparemment aiment bien boire!)  est toujours imprégnée d'un mystère quant à ses origines. Bien entendu le bassin d'alimentation est une zone qui recoupe les communes de St Vallier et de St Cézaire, mais comment celà fonctionne-t-il? Personne n'a de certitudes. L'exploration de cette cavité s'inscrit donc dans le même cheminement que la recherche de la suite de l'Abel, qui nous cause tant de soucis actuellement (ça siphonne et le terminus de l'année passée aurait été atteint, on pense, grace à une sècheresse exceptionnelle).

    Samedi matin: 8h30, nous sommes tous présents au rendez-vous fixé par mes bons soins à une heure décente pour pouvoir compter sur Xavier. Il ne fait pas très chaud. Je fais le bilan des kits. 6 kits pour 5 personnes. C'est raisonnable. L'accès au siphon nécessite le franchissement d'un puits de 15m. nous prenons 2 matos verticaux, une corde en 8mm et 5 plaquettes...  J'enfile ma combinaison qui ressemble à une armure ce matin. Bites à carbure, bouffe, survies, du courage et nous voila prêts. Nous mettons un peu de temps à nous décider, car malgré nos grands sourires de spéléos endurcis, nous savons tous que ce ne sera pas tout à fait une partie de plaisir... il est 9h30.

    La grotte de Pâques est en effet une cavité complexe, où il est très facile de s'égarer, vu la quantité de réseaux annexes. Le porche de la grotte franchi nous voila dans le vif du sujet. Le ramping est quasiment constant, nous franchissons un laminoir boueux, et après de multiples reptations, car c'est le terme, nous débouchons dans la salle du Chaos, puis dans la salle de minuit, sympa et bien concrétionnée. nous soufflons et nous nous engageons ensuite dans la galerie de l'oiseau. On commence vraiment à transpirer. Le passage du labyrinthe ne nous pose pas trop de problèmes. Mes rotules sont devenues insensibles de toutes façons. Enfin nous atteignons le terminus de Pâques I, j'ai nommé les gours de Tony.

    Brave Tony! il aurait du rester couché ce jour là... C'est un passage étroit et rempli d'eau où nous prenons chacun à notre tour une douche froide. Je signalerai aussi une forte odeur d'acéthylène mélée à une agréable odeur de transpiration! Renseignements pris, Eric a perdu le cul de sa Fisma... enfin ça s'arrange... et après un passage étroit boueux nous allons prendre un bain bien mérité cette fois-ci dans 'le lac'! Chacun apprécie comme il peut en serrant les dents... Nous sommes dans Pâques II et encore à plus d'un kilomètre du siphon. Ma motivation pour plonger est décuplée. En effet si nous avions trouvé les gours de Tony noyés, toute possibilité d'exploration de la suite du réseau aurait été écartée... maintenant je sais que je peux plonger!

    La suite est dans la galerie de la diaclase, on dira étroite. La fatigue arrivant lentement, le temps commence à se distendre, mais nous enchainons mécaniquement toutes les galeries malgré la nature paumatoire du réseau.  Enfin on rejoint le boulevard Popov... ça va mieux,  les galeries commencent à prendre du volume, un coup d'oeil au compas pour vérifier un azimut (ça rassure!). Je sens mon coeur qui s'accélere, car on est proche du but! C'est la descente aux enfers. Une grande coulée de calcite rougie se présente devant nous. Le spectacle est féerique. Nous la remontons.  Je me rends compte que je suis en train d'exploser mes pataugas. Je vais ressortir pieds nus de ce putain de trou, c'est sur! Des orgues de calcite sur la droite, nous franchissons un petit ressaut équipé avec des broches, pour accéder à un boyau et enfin au Puits Chantal.  Xavier me fait remarquer que l'on entend de plus en plus distinctement le bruit sourd de la rivière, ce qui n'est pas sans rappeler le fond du Sans-Pascal (Renaud aurait pu confirmer, si il était venu).

    Ce magnifique puits se présente différemment de notre idée initiale. Il faut fractionner ou poser une déviation et on n'a pas prévu le matos nécessaire. De plus il manque au moins un spit pour équiper correctement. Enfin on se débrouille et on dira que notre équipement est en avance d'un point de vue technologique sur ce qui est enseigné à l'EFS. Il faut dire que dans le groupe il n'y a que des Chefs d'équipe Secours et un futur cadre fédéral... on maitrise, mais je ne peux pas m'empécher de me faire léger lors du passage du fractio, vu l'état du rocher. Ayant emprunté le baudrier de François et chacun sachant qu'on a le même tour de cuisse, je me cisaille l'entre cuisses. ouf! Quelques ressauts équipés avec une main courante me donnent enfin l'accés au siphon. Il m'attendait! Grandiose.

    Pendant que je prend contact avec l'animal, les kits sont descendus un a un et acheminés sur une belle plage de boue... Il est alors 13h30. Le spéléo devient plongeur... je suis bien, pas fatigué... je repense aux compte-rendus que j'ai lus et relus des quelques plongeurs qui sont passés ici avant moi. Eric sort le kit de poupées gonflables! non, je confonds, c'est ma stab...

    Je déballe le reste de mon matériel avec précaution et je fais méthodiquement ma checklist. J'inspecte la totalité du matériel et je vérifie que rien n'a souffert durant le portage. C'est apparemment le cas... je couple mes 2 bouteilles, j'installe mon back pack customisé, la stab et je mets en pression mes 2 poséïdons. Tout baigne. Je monte mes éclairages sur le casque (2 x 4W + une tête de phare  20W + batterie + ma petite Frendo étanche à 650m?).  Les dévidoirs sont prêts.  J'enfile ma combinaison 2mm  + un shorty. Ca peut aller, l'eau est à environ 12 degrés et je compte rester immergé environ 30 minutes. Xavier et Gilbert font des photos, le flash est réticent... je me concentre quelques minutes, je bois un coup, et je les quitte. A ce moment là je suis heureux et je les remercie tous de mon portage... il est 14h15.

    Je suis tout d'abord une corde en place en surface et arrive  à l'entrée réelle du siphon. Il y a du courant et je suis un peu surpris par son intensité. Plusieurs fils sont en place (3 exactement). Je décide de ne pas dérouler, car ils ont l'air impeccables, malgré leur âge... cependant je vérifie continuellement leur état. Les marquages sur les fils sont peu nombreux, mais peu importe. Je palme pour avancer à contre courant et j'atteins approximativement les 300m. Les dimensions sont respectables déja et j'ai à ce moment là plus de 20m de visi autour de moi.  Le siphon est fantastique, clair,  pas de touille, y a de l'ambiance.  Ca doit pulser avec un propulseur... Je décide alors de rentrer en vérifiant mes azimuts. Pas de problèmes particuliers au retour, sinon une dureté excessive du cyclon. Il est 14h40, soit 25 minutes de plongée.

    On m'attend avec une impatience que le froid semble activer. Je raconte brièvement ma plongée et surtout je me change, car ça caille grave pour moi. je reenfile ma sous-combinaison mouillée, mais ça fait du bien. Et hop, je reconditionne le matos, pendant qu'Eric respire son acéto sous sa survie.  J'imagine le lieu en crue et je me sens tout petit. Quel privilège d'être là aujourd'hui! Il est alors 15h25.

    Il est temps de rentrer. Je me bouffe un petit sandwich au jambon et à la glaise. Et on entame progressivement la remontée. On passe pas mal de temps dans le puits. Ca frotte méchant et Gilbert nous crie 'traction' pour nous motiver à remonter le matériel. Les différents passages au retour s'enchainent assez vite, mais on sent la fatigue sur les épaules, les discussions s'espacent, on fait moins attention au matos, les bouteilles cognent. Ca y est, on ressort des gours de Tony et d'un commun accord on décide de laisser ici mes bouteilles à un peu moins de 1000m de l'entrée. On les récupèrera demain... finalement on sort de nuit vers 20h00 après 4 heures de portage. Il fait très froid, mais on  ne peut s'empécher de boire la bière (les porteurs ont été sages).

    J'arrive chez moi assez tard. Merde, il y a de la lumière et plein de monde dans la maison. Putain de putain, je l'avais oublié ce repas de famille.  Abattu par cette vision, je sors de la voiture, douche, foie gras, vin blanc et après je ne me rappelle plus du menu. Dodo minuit passé. Ca craint...

    Dimanche matin: on est à nouveau sur les lieux vers 10h. Profitant d'une journée d'initiation que notre club organise, nous ressortons mes bouteilles. Je pense au futur. C'etait la première étape d'une série de plongées et mon esprit travaille déjà au matériel à emmener et à l'organisation au niveau du département de la prochaine expédition. Je suis vraiment admiratif de mes prédecesseurs dans ce siphon.
 
 
 

                                                                                                                                   Bernard Giai-Checa
                                                                                                                            Les SophiTaupes & CRPS