Edition du mercredi 27 juin 2001

Les pionniers du haut débit

sollicités par les industriels, les chercheurs restent les testeurs de tout nouveau réseau. Ils ont été les premiers servis. Et rien n'indique qu'ils cesseront de l'être. Non contents d'avoir façonné l'Internet que nous connaissons, les chercheurs restent les cobayes de tous ses développements concernant les nouveaux réseaux à haut débit. Sollicités qu'ils sont par des constructeurs de calculateurs qui, comme IBM , montent des partenariats avec les centres de recherche, histoire de voir ce que vaut la nouvelle architecture de leurs puces pour le calcul intensif. Ou par des équipementiers et des opérateurs, réunis dans la construction de réseaux expérimentaux, qui leur demandent de les utiliser comme bon leur semble, jusqu'à tenter d'en épuiser les ressources.
Pourquoi tant de sollicitude ? Parce que les industriels ont bien compris que des succès que remporteraient leur matériel et leurs dispositifs auprès d'une communauté de référence, découleraient d'autres succès plus lucratifs. " Le but de l'initiative Blueprint est bien de faire en sorte que notre base de données DB2 devienne la référence en biotechnologies ", dit ainsi Anne-Marie Derouault, responsable du secteur Life Science chez IBM. Blueprint ? Rien d'autre qu'une immense base de données sur les interactions protéine-protéine, disponible gratuitement pour les laboratoires qui travaillent à la mise au point de nouveaux médicaments.
Autre exemple avec le VTHD, pour réseau " vraiment très haut débit ". " Pourquoi VTHD ? ", demandait Jean-Jacques Damlamian, à l'occasion de l'inauguration de ce réseau à l'Inria de Rocquencourt le 9 mai dernier. Parce que les Etats-Unis ont Internet 2, répondait dans la minute le directeur de la branche recherche et développement de France Télécom. Pas question de se laisser distancer. La meilleure solution était donc d'appliquer la même recette : un consortium pour développer de nouvelles applications, construire un réseau performant pour les universités, et transférer rapidement les technologies vers l'industrie.
Justement, ces nouvelles applications, quelles sont-elles ? Du travail collaboratif en trois dimensions, par exemple. Etonnant de chausser des lunettes pour voir en relief cette maquette d'automobile dont un chercheur situé dans un autre centre retire les portes ! L'environnement virtuel partagé est certainement l'application la plus spectaculaire que l'on puisse trouver sur ces réseaux nouvelle génération, mettant grandement à profit la fibre optique par le biais du DWDM (multiplexage en longueur d'onde) qui servait jusque-là pour les transmissions transatlantiques. Mais le calcul distribué, popularisé par la recherche d'une intelligence extraterrestre dans le projet seti@home, en est une autre, plus discrète, mais bien plus commune dans le monde de la recherche. N'ayant pas les moyens de se payer un supercalculateur, ce dernier trouvait en effet une alternative dans la possibilité de mettre en réseau de simples ordinateurs de bureau. De manière à disposer de la puissance nécessaire (" Le Monde interactif " du 6 septembre 2000). La démarche a séduit. Si bien que la constitution de grilles de calcul est devenue aussi importante que l'interconnexion des réseaux haut débit. Rien qu'en France, le sujet mobilise autour d'une action concertée incitative (ACI) et d'un conséquent programme européen baptisé Datagrid, qui permettra notamment d'analyser les données du LHC, le dernier-né des accélérateurs de particules.
Bêta-testeurs, comme l'on dit dans le jargon des informaticiens, les chercheurs le sont jusque dans les nouveaux langages. A qui le fameux XML, développé au sein du W3C - lui même communauté de chercheurs -, peut-il mieux servir qu'aux scientifiques ? Biologistes ou physiciens, ils sont quotidiennement amenés à télécharger des données provenant de bases hétérogènes. Quant aux si contestés logiciels " peer-to-peer ", qui dans un réseau donnent à n'importe quel poste le rôle de client et de serveur, nul doute qu'ils leur offrent un grand service en rendant possible la constitution d'une immense bibliothèque virtuelle.

Co. M.      http://interactif.lemonde.fr/article/0,5611,2857--201451-0,FF.html